•  

    NB : Ceci n'est ni un cours ni une dissertation sur la vérité, juste une façon d'appréhender les problèmes généraux que pose cette notion complexe.

     

    Définition de départ de la vérité : la vérité est, selon la définition la plus classique, l'adéquation d'une représentation avec ce qu'elle représente, ou pour le dire autrement, la correspondance entre nos idées et le réel. Ex : l'énoncé « la neige est blanche » est vrai si, effectivement, la neige est blanche. NB : Le contraire de la vérité est l'erreur et non le mensonge. En effet, le mensonge est le contraire de la sincérité (qui est simplement l'intention de dire la vérité).

     

    La recherche de la vérité et ses obstacles : Puisque rechercher la vérité c'est tenter d'éviter son contraire, l'erreur, on peut se demander d'où vient l'erreur en général.

    L'erreur peut être favorisée par l'ignorance, c'est-à-dire l'absence d'informations suffisantes pour se prononcer. Néanmoins, l'ignorance n'est pas identique à l'erreur puisque tant que je ne me prononce pas sur un sujet, je ne fais pas une erreur (l'erreur n'est donc pas uniquement liée à l'ignorance mais aussi à la précipitation du sujet qui se fait une idée de certaines réalités avant d'avoir toutes les informations suffisantes ; ainsi, reconnaître son ignorance peut même être, à l'inverse, le plus sûr moyen d'éviter l'erreur).

    L'erreur peut être entretenue par une certaine forme d'illusion (le désir inconscient de ne pas voir la vérité). NB : pour autant, l'erreur n'est pas à confondre avec l'illusion (même si la seconde peut entretenir la première).

    L'erreur peut être entretenue par l'opinion (avis personnel qui n'est pas justifié par des arguments objectifs mais uniquement par une expérience subjective). L'opinion entretient l'erreur non parce qu'elle est nécessairement fausse dans son contenu mais parce que, n'étant pas justifiée, rien ne permet de dire si elle est vraie. Pour cette raison, G. Bachelard peut affirmer (dans La Formation de l'esprit scientifique) que « l'opinion a, en droit, toujours tort ».

    L'erreur peut être entretenue par les préjugés (jugements formés par avance, sans les informations suffisantes), notamment ceux intégrés durant notre éducation (préjugés liés à l'éducation familiale, au groupe social, à la période historique, etc.). Pour cette raison, l'éducation est un moyen d'apprendre mais pas de s'assurer que ce que l'on apprend est absolument vrai.

    Il faut donc un critère objectif pour confirmer que nos idées correspondent au réel (que donc nous possédons la vérité). Dans la mesure où ce que l'on apprend par d'autres est nécessairement douteux, quels sont les seuls moyens d'obtenir cette confirmation :

    les sens : l'expérience que nous faisons des choses par nos cinq sens.

    la raison : les déductions logiques que nous pouvons faire à partir des informations que nous avons déjà.

     Il est donc logique que l'on retrouve dans la science ces deux instruments fondamentaux de la connaissance : la raison rend possible la démonstration (c'est-à-dire l'enchaînement logique de propositions amenant à une conclusion nécessaire – ex du syllogisme, forme de raisonnement avec deux prémisses et une conclusion : tout homme est mortel, Socrate est un homme, donc Socrate est mortel).

    Les sens rendent possible l'expérimentation scientifique (c'est-à-dire la vérification empirique – par les sens – d'une hypothèse établie par la raison, vérification qui nécessite un protocole expérimental : on détermine à l'avance l'ensemble des conditions dans lesquelles on peut vérifier une hypothèse).

     

    De la nécessité du doute :

    Mais même ces deux moyens directs de vérifier la correspondance entre notre représentation du réel et ce réel ne me donnent pas une certitude totale (la certitude étant le sentiment subjectif de détenir une vérité objective).

    En effet, 1. les sens peuvent me tromper (ex : illusion d'optique, rêves) et, de toute façon, ne me donnent jamais qu'une vérité de fait (une vérité particulière et ponctuelle) au lieu de me fournir une vérité universelle et immuable. Par exemple, les sens me permettent bien de dire que telle ou telle chose est comme je me la représente à l'instant T, mais rien ne m'assure qu'il en sera de même plus tard. La répétition d'une expérience particulière ne me permet pas d'induire une vérité universelle (ex de la dinde inductiviste, exemple de B. Russell repris par K. Popper : une dinde qui voit son repas amené tous les jours à 6h induit la vérité universelle selon laquelle son repas sera tout le temps amené le matin à la même heure... sauf que le 24 décembre, c'est elle qu'on vient tuer pour pouvoir la manger ! Bref, la répétition générale n'était pas une vérité universelle).

    En effet, 2. La raison ne m'assure, elle aussi, aucune certitude dans la mesure où rien ne me garantit qu'elle est un instrument parfait (après tout si mes sens me trompent, pourquoi ma raison ne me tromperait-elle pas ?).

     

    Le doute nécessaire : Bref, cette incertitude explique précisément le projet de Descartes : à savoir qu'il faut douter de tout de façon méthodique (c'est-à-dire non pas en doutant de chaque chose en particulier, ce qui est impossible, mais en doutant du fondement même de toutes nos connaissances, à savoir notamment la raison et les sens) pour parvenir à s'assurer que nous possédons au moins quelques vérités. On voit donc que le doute peut avoir plusieurs significations : il peut être chez certains un renoncement à la vérité (lorsque je renonce à chercher la vérité pour accepter de rester éternellement dans le doute, ce qui est le cas des philosophes sceptiques qui optent pour un doute absolu, un scepticisme intégral). Mais il peut également être un moyen de parvenir à s'assurer de certaines vérités fondamentales (la méthode du doute chez Descartes, contrairement au doute des philosophes sceptiques, atteint précisément cet objectif).