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    Quelques grands raisonnements utilisés

    pour prouver l'existence de Dieu

    dans l'histoire de la philosophie

     

    1. L'argument dit « ontologique » (on fait appel à ce qui définit l'essence de Dieu) :

    Le raisonnement est en gros le suivant :

    Dieu est un être qui par définition (par essence) est parfait.

    La perfection comprend nécessairement l'existence (car ce qui n'existe pas est moins parfait que ce qui existe)

    Donc, si Dieu est parfait, il existe nécessairement

     

    Parmi les auteurs connus qui ont utilisé l'argument, il y a (Saint) Anselme de Cantorbéry (XIe) et Descartes (XVIIe)

     

    Critique : plusieurs philosophes (Kant notamment) ont refusé ce raisonnement. D'une part, il présuppose que Dieu est parfait avant de l'avoir prouvé et d'autre part il présuppose que l'existence est une propriété de la perfection (pourquoi ce qui existerait serait-il plus parfait que ce qui n'existe pas?).

     

    2. L'argument « cosmologique » ou de la cause première

    Il y a plusieurs variantes (le premier à en développer une de façon rigoureuse étant Aristote, même s'il ne s'agit pas pour lieu de démontrer l'existence d'un Dieu au sens du monothéisme, un Dieu conscient de lui-même):

     

    La variante du Kalām (en arabe : discussion, dialectique), qui est l'une des sciences religieuses de l'islam (l'un de ses représentants connus est notamment Al-Ghazali) :

    Tout ce qui commence à exister a une cause dans le temps.

    L'univers à commencé à exister

    Donc l'univers a une cause dans le temps (et un être supérieur doit être cette cause)

     

    L'une des variantes de (Saint) Thomas d'Aquin (XIIIe) :

    Toute chose dans l'univers est en mouvement

    Mais on ne peut remonter ce mouvement à l'infini (il y a forcément un début à ce mouvement)

    Il y a donc un premier moteur (un être qui a mis les choses en mouvement)

     

    La variante de Leibniz (XVIIe) :

    Toute chose a une cause ou une raison déterminante qui explique pourquoi cette chose existe

    donc l'univers a une cause ou une raison déterminante

    Et cette cause ou raison déterminante doit être supérieure à l'univers lui-même (donc seul un être supérieur peut être cette cause ou raison déterminante)

     

    Critique : Deux objections principales s'opposent à ces raisonnements. Tout d'abord, l'idée que tout a une cause ou que tout commence semble laisser penser que la première cause (Dieu) devrait elle-même avoir une cause. Ensuite, le fait qu'il y ait une première cause ne suffit pas à montrer qu'il s'agit d'un être supérieur conscient de lui-même (il peut s'agir d'une cause matérielle : big bang par exemple)

    3. L'argument téléologique ou l'appel au dessein intelligent

    Il existe de l'ordre dans la nature (les choses sont organisées et chacune semble avoir une fonction spécifique. Ex : les corps vivants)

    Or la matière (inerte) ne produit pas spontanément de l'ordre

    Donc la cause de l'ordre de la nature est intentionnelle (il y une conscience intelligence qui a tout ordonné au départ)

     

    Autrement dit : Tout dans la nature semble être bien fait (être constitué pour la fonction qu'il remplit. Ex : la chaîne alimentaire). Donc la nature a bien fait les choses. Donc il existe une intelligence supérieure derrière la nature.

     

    Cet argument est notamment utilisé par Platon (l'idée d'un démiurge créateur), par (Saint) Thomas d'Aquin, par William Palley (XIXe) et plus récemment les créationnistes (chrétiens ou musulmans)

     

    Critique :

    Tout d'abord, cet argument repose sur une forme d'anthropocentrisme (attitude qui consiste à projeter sur des choses ou des phénomènes des intentions humaines). Comme l'homme a des projets et des buts, il ne peut imaginer que quelque chose soit bien organisé sans être le résultat d'un projet préalable. Or, l'impression d'un ordre ne vient-elle pas de notre imagination ? Nous voyons de l'ordre dans ce qui correspond à notre manière de penser les choses alors que nous voyons du désordre dans ce qui s'en éloigne, mais parfois, les deux sont équivalents (ex : un être humain aura tendance à voir quelque chose d'extraordinaire, et d'organisé, dans le fait que la série 123456 sorte au tirage du loto alors que cette série n'a pas moins ou plus de probabilité de sortir que les autres séries).

    Ensuite, la seconde critique consiste à dire que cet argument inverse la cause et l'effet. En d'autres termes, si les choses semblent bien organisées (si tout semble dans la nature avoir une fonction), ce n'est pas parce qu'elles ont été intentionnellement organisées, mais parce qu'elles découlent d'un long jeu (d'un mécanisme) d'adaptation qui les a amenées à être comme elles sont (l'erreur est donc de confondre l'adaptation progressive et spontanée avec l'organisation intentionnelle). Ex : si je vois un galet sur la plage, tout beau, rond et poli par la mer, je pourrais me dire « tiens, quelqu'un a dessiné et fait ce galet pour qu'il soit comme ça », alors que c'est simplement le fait que le galet ait été travaillé par l'eau durant des siècles qui explique ce beau résultat.

     

    4. L'argument moral

    Si Dieu n’existe pas, alors les valeurs morales absolues n’existent pas (il faut un être absolu pour des valeurs absolues).

    Or les valeurs morales absolues existent (par exemple, toutes les cultures partages des interdits communs : meurtre de ses proches, refus du mensonge, etc.)

    Donc, Dieu existe puisque lui seul a pu fournir ces valeurs morales à l'humanité

     

    L'argument est notamment utilisé au XXe siècle par William Lane Craig.

     

    Critique : L'argument présuppose que parce que certaines valeurs morales sont partagées par l'humanité, elles sont absolues. Alors qu'elles sont simplement valables pour une partie des êtres vivants (les humains), ce qui reste très relatif.

     

    5. L'argument du consensus universel

    C'est un argument proposé par Cicéron (De natura deorum), suivant lequel la croyance universelle des peuples en quelque chose de divin est une preuve suffisante pour établir son existence.

     

    Critique : Cet argument prouve au mieux qu'il existe un besoin universel de croire en quelque chose. Mais ce besoin pourrait être expliqué par des causes psychologiques (besoin de rassurer notre angoisse de la mort par exemple) ou sociologiques (besoin de s'imaginer un monde meilleure que le monde terrestre).

     

    6. L'argument de la limite de la connaissance humaine

    Utilisé par Descartes dans les Méditations métaphysiques, l'argument consiste à dire que moi, qui suis un être fini, ne peut pas être à l'origine de l'idée de l'infini :

     

    Je suis un être fini (à la connaissance limitée)

    Dieu est infini (illimité)

    Comment pourrais-je par moi-même avoir l'idée d'un tel être s'il n'existait pas et s'il n'avait pas placé en moi cette idée ?

    Donc il existe nécessairement.

     

    Critique : Cet argument suppose que l'on a une idée réelle de l'infini. Or, n'est-ce pas plutôt une idée négative (on se dit qu'il y a quelque chose comme le contraire du fini) qui ne désigne rien ?


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