• Les faits :

    Les inégalités hommes/femmes constituent certainement l'un des problèmes politiques actuels les plus importants. Pour rappeler qu'il ne s'agit pas simplement d'un "vieux souvenir", mais bien d'une réalité présente, il convient d'évoquer quelques chiffres, préalable nécessaire à toute réflexion sur ce sujet.  

     

    Démographie

    Comme l’a noté dès le début des années 1990 le prix Nobel d’économie, Amartya Sen, il « manque » près de 100 millions de femmes et filles dans le monde. Cette inégalité démographique est due au fait que des millions de bébés et fœtus de sexe féminin sont supprimés chaque année en raison de leur moindre valeur supposée et de la préférence culturelle et sociale accordée aux fils dans certaines cultures.
    Cette situation, encouragée par la diffusion de techniques médicales comme l’échographie, se diffuse dans les classes moyennes. Elle est la cause d’un lourd déséquilibre démographique en Asie (notamment en Inde et en Chine, qui représentent plus du tiers de la population mondiale, ainsi qu’au Pakistan ou en Corée du Sud…) qui aggrave les trafics, les mariages forcés et l’exploitation des fillettes et des femmes dans la sous-région.
    On estime que 100 millions de jeunes filles se marieront avant leur 18e anniversaire au cours des dix prochaines années. Cela représente un tiers des adolescentes des pays en développement (à l’exclusion de la Chine). Environ 14 millions d’adolescentes deviennent mères chaque année (dont plus de 90% dans des pays en développement).

     

    Législation, participation politique et décisionnelle

    Au niveau international, on ne compte que 15 femmes sur 192 chefs d’Etat et de gouvernement. Dans les parlements on compte en moyenne 18,4 % de femmes dans les parlements (2008), ce qui constitue une augmentation de 8 % entre 1998 et 2008. Au niveau des Etats membres de l’Union européenne, la proportion de femmes parlementaire est de 24% dans les chambres uniques/basses, et de 19 à 21% dans les chambres hautes quand celles-ci existent. Au Parlement européen on compte 31 % de députées en 2009 (16,3 % en 1979).
    A ce rythme, la représentation politique des femmes dans les pays en développement - et certains pays développés - n’atteindra pas la parité de 40 % à 60 % avant 2045… [1] . Plus de 30 pays ont encore des lois discriminatoires envers les femmes. Seuls 17 pays (dont le Rwanda, le Costa Rica ou l’Afrique du Sud…) ont atteint l’objectif de 30 % de femmes élues, proportion considérée par l’ONU comme minimale pour que l’élaboration des politiques reflète les valeurs sociales, économiques et culturelles de l’ensemble de la société. La participation des femmes aux postes de décision économique et politique reste marginale .
    En politique, en France, le principe de parité inscrit dans la loi en 2000, offre des résultats très contrastés selon les modes de scrutins. En 2007 l’Assemblée nationale compte 18,5 % de femmes députées (12,3 % en 2002). En 2004, le Sénat comptait 16,9% de sénatrices alors que les femmes représentent 51,4% de la population française.
    Chiffres donnés par l’Observatoire de la parité en 2008 Les femmes représentent en France :
     18,5 % des députés et 21,9 % des sénateurs.
     47,6 % des conseillers régionaux et 43,6 % des députés français au Parlement européen.
     12,3 % des conseillers généraux.
     35 % des conseillers municipaux et 13,8 % de l’ensemble des maires.
     10,4% des élus cantonaux
    Au sein des administrations publiques des pays de l’UE, les femmes occupent un tiers des postes des deux niveaux les plus élevés de la hiérarchie. Dans le domaine juridique : on compte seulement 31% de femmes juges des cours suprêmes.

     

    Economie/travail/pauvreté

    Dans le monde, les femmes effectuent les 2/3 du nombre d’heures de travail et produisent plus de la moitié des aliments, mais elles ne gagnent que 10 % du revenu total, possèdent moins de 2 % des terres, reçoivent moins de 5 % des prêts bancaires. Dans les régions les plus pauvres et de forte émigration, jusqu’à 70 % des femmes travaillent dans l’agriculture.
    Les femmes effectuent la majeure partie du travail domestique et de soins non comptabilisé dans l’économie. En Afrique subsaharienne, elles passent 40 milliards d’heures par an à l’approvisionnement en eau de la famille, ce qui équivaut à une année entière de travail de toute la population active de la France.
    218 millions d’enfants travaillent dans le monde, parmi eux, plus de 100 millions de fillettes. Parmi les enfants de moins de 12 ans qui travaillent, les filles (54 millions, dont 20 millions affectées à des tâches dangereuses) sont plus nombreuses que les garçons (OIT). La situation est en aggravation dans le contexte de la crise économique actuelle.
    Les femmes constituent 70 % des 1,2 milliard de personnes vivant avec moins de 1 dollar/jour. L’égalité salariale n’existe dans aucun pays. Ainsi, dans l’Union européenne, les femmes gagnent en moyenne 17 % de moins que les hommes. Partout le chômage, la précarité, le travail non qualifié et à temps partiel touchent en premier lieu les femmes. Dans le secteur formel, en moyenne 1 homme sur 8 occupe un poste de haute direction, pour une femme sur 40.

    Pour exemple : La prise de décision économique et la gestion de la récente crise financière est assurée quasi exclusivement par des hommes en Europe Les 27 gouverneurs des banques centrales des Etats membres de l’UE sont des hommes et les organes décisionnels clés au sein de ces organisations comprennent 83% d’hommes et 17% de femmes. Le conseil des gouverneurs de la Banque Centrale européenne est composé d’un bureau exécutif de six membres comprenant seulement une femme, et des gouverneurs des banques centrales des 15 pays de la zone euro, tous des hommes. Prise de décision dans les 614 sociétés les plus importantes côtées en bourse : le poste de président est occupé à 97 % par des hommes, et les membres composant l’organise décisionnel le plus élevé sont à 89 % des hommes.

    Quelques données pour la France

    30% des femmes travaillent à temps partiel contre 5% des hommes. Sur les 4,1 millions d’actifs à temps partiel, 83% sont des femmes. Pour 28% de ces femmes, le temps partiel ne correspond pas à un choix mais est "subi", et elles souhaiteraient pouvoir travailler davantage (Insee).
    En France, les femmes n’occupent qu’un quart des postes d’encadrement des entreprises du secteur privé, alors qu’elles représentent près de 46 % de la population active (2004). Parmi les 300 000 dirigeant-es salarié-es d’entreprises, 17% sont des femmes. Elles ne constituent que 7% des cadres dirigeants des 5000 premières entreprises françaises.
    Les choix professionnels féminins sont largement influencés par des stéréotypes de genre : 60 % des femmes travaillent dans six groupes de métiers sur 30 groupes répertoriés. Ainsi 80% des métiers d’employé-es sont occupés par des femmes.
    les femmes retraitées ont touché en 2004 une pension moyenne de 1.007 euros bruts par mois, soit 38% de moins que les hommes qui ont perçu 1.622 euros. La différence s’explique notamment par les carrières incomplètes et moins bien rémunérées des femmes.
    La maternité a des conséquences négatives sur la carrière professionnelle des femmes, mais n’a quasi pas d’impact sur le statut professionnel des hommes vivant en couple, selon l’enquête récemment mise en ligne par le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ).
    D’après cette enquête, "après la naissance d’un premier enfant, 17 % des mères passent à temps partiel, 11 % changent de poste, 7% démissionnent et 4% prennent un congé parental à temps complet, quand 91 % des pères ne déclarent aucun changement dans leur situation professionnelle. L’arrivée d’un deuxième enfant renforce ce clivage. La principale explication réside dans le fait que ce sont toujours les femmes qui assument l’essentiel des charges domestiques et que cette « spécialisation vers des rôles conjugaux traditionnels" s’accentue au fur et à mesure que la famille s’agrandit. Cette division des tâches persiste même lorsque la femme a la situation professionnelle la plus avantageuse dans le couple : 25% des femmes qui déclarent gagner au moins autant et travailler au moins autant de temps que leur conjoint assurent tout de même l’essentiel des tâches domestiques".

     

    Education

     


    Environ 776 millions d’adultes – soit 16% de la population adulte du monde – ne sont pas alphabétisés. Les deux tiers sont des femmes. La situation ne semble pas s’améliorer depuis quelques années.
    En 2006, 75 millions d’enfants, dont 55% de filles, n’étaient pas scolarisés, dont près de la moitié en Afrique subsaharienne.
    51 3millions d’élèves – soit 58% de la population d’âge scolaire concernée – étaient scolarisés dans l’enseignement secondaire, soit près de 76millions de plus qu’en 1999. Malgré les progrès enregistrés, l’accès au secondaire demeure limité pour la plupart des jeunes. En Afrique subsaharienne, 75% des enfants en âge de fréquenter l’école secondaire ne sont pas scolarisés dans ce niveau. En 2006, sur les 176 pays pour lesquels les données étaient disponibles, 59 avaient réalisé la parité entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire – soit 20 de plus qu’en 1999. Dans le primaire, près des deux tiers des pays avaient réalisé la parité. Cependant, plus de la moitié des pays d’Afrique subsaharienne, d’Asie du Sud et de l’Ouest et des États arabes n’avaient pas atteint l’objectif. Seulement 37% des pays du monde avaient réalisé la parité entre les sexes dans l’enseignement secondaire.
    Mais ces objectifs quantitatifs ne tiennent pas compte de la qualité de l’enseignement, de l’attitude souvent différenciée des enseignant-es envers les filles et les garçons, des violences de genre en milieu scolaire et du problème qui persiste des stéréotypes de genre véhiculés dans le matériel pédagogique.
    Par contre, la tendance se confirme à une présence plus élevée de femmes que d’hommes dans les effectifs de l’enseignement supérieur au niveau mondial, en particulier dans les régions les plus développées, les Caraïbes et le Pacifique. Mais dans certains pays, comme l’Iran, un taux très importants de jeunes filles à l’université se débouche pas sur un accès égal aux emplois et aux responsabilités.
    Dès qu’on monte dans la hiérarchie dans les milieux universitaires et de la recherche, les femmes sont moins nombreuses. Dans l’Union européenne, seule un professeur d’université sur 10 est une femme. En France, au niveau des postes de direction et de présidence des établissements universitaires, il n’y a que 13% de femmes sur 108 personnes.
    Si en France les femmes sont majoritaires parmi les étudiant-es (56%), elles sont très minoritaires dans le monde de la recherche. Elles représentent 1/3 des chercheurs-euses publiques et 40% des maîtresses de conférence. Plus on monte dans la hiérarchie professionnelle, moins on trouve de femmes. Ainsi en 2006, on compte seulement 18,5% de femmes professeures d’université. [Emmanuelle Latour, Mouvements, 2008]. Au CNRS, qui contient 30% d’effectifs féminins, les femmes ne représentent que 25% des directeur-trices de recherche 2e classe, 12% des directeur-trices de recherche 1ère classe, 12% des directeur-trices de recherche de classe exceptionnelle. [Enquête CNRS, dirigée par Catherine Marry, 2005.]

     

    Santé

     


    D’après l’Organisation mondiale de la santé, le sexe - fait biologique d’être un homme ou une femme - et le genre ont un impact important sur la santé. "Bien que l’espérance de vie des femmes soit supérieure à celle des hommes dans la plupart des pays, un certain nombre de facteurs sanitaires et sociaux font que les femmes ont une moins bonne qualité de vie". "La discrimination en fonction des sexes engendre de nombreux dangers pour la santé des femmes, parmi lesquels la violence physique et sexuelle, le VIH/sida, le paludisme et la pneumopathie chronique obstructive". Cette dernière maladie est notamment causée par le fait de cuisiner sur des feux ouverts ou des réchauds traditionnels, elle cause de 500 000 décès de femmes par an.
    Plus de 500 000 femmes meurent chaque année au cours de leur grossesse ou pendant l’accouchement.
    Les victimes du VIH/Sida sont pour moitié des femmes. En Afrique subsaharienne, 61 % des adultes vivant avec le VIH-Sida sont des femmes. Leur nombre a doublé entre 1994 et 2004 (de 7 à 13,8 millions de femmes ) et 75% des 15-24 ans nouvellement séropositifs sont des femmes. Dans les Caraïbes, la proportion de femmes vivant avec le virus atteint 43%.
    La nécessité de prendre en compte le caractère sexo-spécifique de l’épidémie de Sida a été soulignée lors de la Journée mondiale contre le Sida, le 1er décembre 2007.

     

    Violences

    Selon la Déclaration des Nations unies sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, la violence faite aux femmes désigne « tous actes de violence dirigée contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou la vie privée.
    Ainsi, les mutilations sexuelles féminines continuent d’être pratiquées dans plus de trente pays en Afrique et au Moyen Orient, ainsi que dans des régions accueillant des migrant-es originaires de ces pays . Environ 136 millions de femmes et de fillettes sont concernées par cette pratique culturelle qui consiste à supprimer tout ou partie des organes génitaux externes, avec de considérables conséquences psychologiques (traumatismes, dépressions) et physiques (hémorragies, douleurs persistantes, accouchements difficiles…) . Au moins deux millions de fillettes sont encore victimes de mutilations sexuelles chaque année.
    Sur les 40 millions de personnes actuellement réfugiées à cause d’un conflit armé et de violations des droits humains, 75 % sont des femmes et des enfants. Le Haut Commissariat des Nations unies aux réfugiés insiste pour que soit reconnue la spécificité du statut de femme réfugiée, et notamment que les violences sexuelles soit un motif suffisant pour obtenir le statut de réfugiée .
    Chaque année, quatre millions de femmes sont vendues et achetées pour le mariage forcé, l’esclavage, la prostitution. Environ 40 millions de personnes sont prostituées dans le monde, en grande majorité des femmes et des enfants. La prostitution engendrerait un chiffre d’affaire mondial de 60 milliards d’euros ; elle représente jusqu’à 14 % des PIB de pays d’Asie, 5 % du PIB des Pays-Bas (OIT).
    Dans le monde, une femme sur trois a été violée, battue, ou victime d’une forme ou d’une autre de mauvais traitements au moins une fois dans sa vie. D’après l’OMS "certaines études révèlent que près d’une femme sur cinq déclare avoir été abusée sexuellement avant l’âge de quinze ans". Dans certains pays, la violence domestique est la cause principale de la mort ou de l’atteinte à la santé des femmes entre 16 et 44 ans . En France plus de 60 femmes meurent chaque année du fait de violences masculines domestiques. Les actes de violence au sein du couple touchent, selon une enquête nationale publiée en 2003 , près d’une femme sur dix en France.Sur 652 femmes victimes d’homicides entre 1990 et 1999, sur Paris et la proche banlieue, la moitié ont été tuées par leur mari ou leur compagnon. En Europe, 4 millions de femmes sont victimes de violences en privé.

     

    Aide au développement


    L’OCDE propose un marqueur d’égalité hommes-femmes pour l’Aide publique au développement (APD) des pays riches. Ainsi, sur les 26,8 milliards de dollars d’APD décaissée et marquée par ce moyen en 2006, 7,2 milliards (environ 27 %) étaient identifiés comme contribuant à l’égalité des sexes, soit une augmentation de 2,5 milliards (environ 17 %) par rapport à 2002. Toutefois, seule la moitié de l’aide de l’OCDE susceptible d’être ainsi marquée pour les questions de genre l’est effectivement. Mais seuls 5 % de l’aide marquée pour le genre vont aux secteurs économiques, alors que la part de l’APD globale destinée à ces secteurs est de 20 %. D’autre part une partie extrêmement négligeable de ces aides vont aux organisations de femmes. (Source Unifem).
    Alors que les femmes sont majoritaires dans le domaine de l’agriculture dans les pays les plus pauvres, 5% seulement des services de vulgarisation agricole leur sont destinés. On estime qu’en Afrique, elles ont accès à 10% du montant total des crédits alloués aux petits paysans et 1% du montant total des crédits affectés au secteur agricole.